MAD II : Mesures et Impacts

Market Abuse Directive

Auteur : Thomas Wagner

 

I. CONTEXTE ET ENJEUX

Bien avant sa publication en 2014 dans le journal officiel de l’Union Européenne, la directive MAD II (Market Abuse Directive) fait suite à un rapport publié en 2009 par le groupe de haute surveillance financière de l’UE.
Ce groupe avait alors conclu que les régimes de sanctions des Etats membres n’étaient non seulement pas assez sévères, mais surtout hétérogènes. Ainsi, tous les Etats membres ne prévoyaient pas de sanctions administratives pécuniaires pour les délits d’initiés et manipulations de marché. Aussi, les niveaux de sanctions variaient considérablement selon les Etats membres.

Un nouvel acte législatif était donc nécessaire pour garantir des règles minimales communes dans toute l’UE.

Ainsi, en 2014, le règlement sur les abus de marché (MAR) et la directive sur les sanctions pénales pour les abus de marché (CSMAD) ont été publiés au journal de l’Union Européenne et sont entrés en vigueur pour tous les Etats membres le 3 juillet 2016. Ils remplacent donc la directive MAD en formant MAD II.

L’objectif de MAR est ainsi de renforcer l’intégrité du marché et la protection des investisseurs en élargissant la portée du régime actuel d’abus de marché, et en introduisant également de nouvelles règles et de nouveaux domaines règlementaires.
A titre d’exemple, MAR ne s’applique pas seulement aux instruments financiers négociés sur un marché règlementé, mais aussi à ceux négociés ou admis à la négociation sur un système multilatéral (MTF) ou sur un système de négociation organisé (OTF). Le scope exact de MAD II sera détaillé dans la deuxième partie de ce document.

L’un des enjeux principaux est également de couvrir les tentatives de délits d’initiés en durcissant les sanctions. Elles comprennent désormais des amendes, des peines d’emprisonnement, et une publication publique des infractions. Cette dernière sanction nuit gravement à la réputation des établissements et a bien souvent un impact plus conséquent que le montant de l’amende elle-même.

Les dispositions CSMAD comprennent des définitions communes à l’UE pour les infractions d’abus de marché comme les opérations d’initiés, la divulgation illégale d’informations privilégiées et les manipulations de marché. Également, elle ajoute la notion de responsabilité des personnes morales, qui peuvent être tenues responsables des infractions précitées.

En outre, compte tenu de la faiblesse et de l’hétérogénéité des régimes de sanctions des États membres, CSMAD a apporté un complément à MAR en introduisant des sanctions pénales harmonisées dans toute l’UE en matière d’opérations d’initiés et de manipulation de marché. En d’autres termes, tous les États membres sont désormais tenus de :

  • Mettre en œuvre la législation locale relative aux infractions pénales
  • Veiller à ce que les autorités nationales compétentes disposent de la formation correspondante et de pouvoirs suffisants pour faire appliquer la loi.

 

II. LES MESURES DE MAD II

A. DIFFÉRENCE ENTRE DIRECTIVE ET RÈGLEMENT

En préambule, il est très important de définir la différence entre une directive et un règlement.
L’Union Européenne adopte différents types d’actes législatifs qui visent à remplir les objectifs fixés dans les traités européens. Tous ne sont pas contraignants.

Les règlements sont des actes législatifs contraignants. Ils doivent être mis en œuvre dans leur intégralité dans toute l’Union Européenne.

Les directives sont des actes législatifs qui fixent des objectifs à tous les pays de l’UE. Toutefois, chaque pays est libre d’élaborer ses propres mesures pour les atteindre.

En effet, dans le point 14 du texte de loi, il est écrit que  « la Directive ne doit pas créer d’obligations concernant l’application des peines ou tout autre renforcement de la loi à des cas individuels ».

MAD II étant une directive, elle est donc moins contraignante qu’un règlement. Les sanctions sont par conséquent hétérogènes et il persiste un manque d’harmonisation des sanctions selon les Etats.
De plus, même si les banques travaillent en best effort, le poids de la directive et les moyens mis en place sont parfois moins importants que si cela avait été un règlement.

 

B. QU’EST-CE-QUE MAD

La directive sur les abus de marché (MAD) constitue un cadre juridique dont l’objectif est de protéger l’intégrité des marchés financiers et de renforcer la confiance des investisseurs.

Une croissance économique forte au sein de l’Union Européenne exige des marchés efficaces et transparents ainsi qu’une confiance accrue du public, de sorte que tout comportement illégal sur les marchés financiers soit strictement interdit par la présente directive.

Ces comportements comprennent :

  • L’utilisation d’informations non accessibles au public (opérations d’initiés),
  • La divulgation inappropriée d’informations privilégiées,
  • La manipulation des cours des instruments financiers,
  • La diffusion d’informations fausses et/ou trompeuses.

Adoptée en 2003, la directive visait à prévenir les abus de marché dans l’ensemble de l’Union Européenne en exigeant des acteurs du marché qu’ils s’engagent à une plus grande transparence et à une coopération plus étroite pour respecter le cadre législatif.

Néanmoins, en raison de l’évolution considérable des marchés financiers au cours des dernières années et des nouvelles formes de manipulation du marché rendues possibles par les développements technologiques, la directive initiale a été jugée obsolète et doit être remplacée.

 

 C. DE MAD I À MAD II

Le Conseil de l’UE a adopté et publié un texte pour MAD II, entré en vigueur le 3 juillet 2016, qui consiste en deux parties :

  • Market Abuse Regulation (MAR)
  • Criminal Sanctions for Market Abuse Directive (CSMAD)

Le graphique ci-dessous retrace l’histoire et l’évolution du cadre législatif concernant les abus de marchés en Europe :

Market Abuse DirectiveSource : Günther Blaha dans Banking Hub, Nov 2016

 

Définition d’une manipulation de marché

La définition de manipulation de marché sous MAD II est similaire à celle de la MAD : lorsqu’une personne conclut une transaction, passe un ordre de négociation, ou adopte tout autre comportement qui :

donne ou est susceptible de donner des indications fausses ou trompeuses sur l’offre, la demande ou le prix d’un instrument financier,

– garantit ou est susceptible de garantir le prix d’un ou plusieurs instruments financiers à un niveau anormal ou artificiel.

Un tel comportement est interdit, à moins qu’il ne puisse être établi que les actions aient été menées pour des raisons légitimes et qu’elles sont conformes aux pratiques commerciales acceptées.

MAR stipule également que l’utilisation de  « dispositifs fictifs » ou d’autres formes de  « tromperie ou d’artifice » sont interdites, comme c’était déjà le cas sous MAD.

 

D. MANIPULATION BASÉE SUR LE TRADE ET MANIPULATION BASÉE SUR L’INFORMATION

MAD II distingue deux types de manipulation de marché : la manipulation de marché basée sur la transaction (trade-based) et la manipulation de marché basée sur l’information (information-based), comme illustré ci-dessous :

Market Abuse DirectiveFigure 2 Source : Günther Blaha dans Banking Hub, Nov 2016

 

Une manipulation du marché fondée sur une transaction couvre toutes les actions et activités qui envoient de faux signaux et/ou trompeurs dans le but d’utiliser cette tromperie pour influencer les prix des instruments financiers dans la direction souhaitée. Il s’agit notamment de l’exécution des transactions ainsi que du passage, de l’annulation et de la modification des ordres de négociation.

La détection d’une manipulation du marché fondée sur la transaction nécessite la mise en place de systèmes de surveillance automatisés et systématiques, dont les moyens seront en fonction de l’activité de l’établissement dans les différentes catégories d’instruments financiers.

Une manipulation du marché fondée sur l’information couvre la diffusion d’informations fausses et trompeuses par les médias ou par d’autres moyens. Il s’agit notamment de l’envoi d’informations ou de données fausses et trompeuses sur un instrument financier ou un taux de référence. Dans ce cas, les entreprises d’investissement ont besoin d’un suivi humain, basé sur des processus, pour détecter ce type de manipulation du marché.

 

E. PÉRIMÈTRE EXACT DE MAD II

Types d’activités couvertes

Sous MAD II, la notion de manipulation de marché couvre les activités suivantes :

1) Effectuer une transaction, passer un ordre ou adopter tout autre comportement qui :
– Donne des indications fausses ou trompeuses sur l’offre, la demande ou le cours d’un instrument financier ou d’un contrat au comptant sur matières premières qui lui est lié.

Fixe à un niveau anormal ou artificiel le cours d’un ou de plusieurs instruments financiers ou d’un contrat au comptant sur matières premières qui leur est lié ; sauf si les raisons pour lesquelles la personne qui a effectué la transaction ou passé l’ordre sont légitimes et que cette transaction ou cet ordre est conforme aux pratiques de marché admises sur la plate-forme de négociation concernée.

2) Effectuer une transaction, passer un ordre, exercer toute autre activité ou adopter tout autre comportement affectant le cours d’un ou de plusieurs instruments financiers ou d’un contrat au comptant sur matières premières qui leur est lié, en ayant recours à des procédés fictifs ou à toute autre forme de tromperie.

3) Diffuser des informations par l’intermédiaire des médias, dont internet, ou par tout autre moyen, qui donnent des indications fausses ou trompeuses quant à l’offre, la demande ou le cours d’un instrument financier ou d’un contrat au comptant sur matières premières qui lui est lié. Même cas de figure ci cela fixe le cours d’un ou de plusieurs instruments financiers ou d’un contrat au comptant sur matières premières qui leur est lié à un niveau anormal ou artificiel, lorsque les personnes qui ont diffusé les informations tirent, pour elles-mêmes ou pour une autre personne, un avantage ou un profit de la diffusion des informations en question.

4) Transmettre des informations ou données fausses ou trompeuses, ou adopter tout autre comportement constituant une manipulation du calcul d’un indice de référence.

 

Actifs couverts

Le périmètre des instruments financiers couverts sous MAD II est bien plus conséquent que sous MAD, puisque l’ensemble des classes d’actifs doivent être monitorées. Nous verrons dans un second temps les exceptions non couvertes, qui ont le plus souvent un caractère conjoncturel et situationnel. C’est l’article 5 qui définit le périmètre exact des actifs couverts et des exceptions.

La directive MAD II s’applique donc sur les instruments financiers suivants :

  1. a) Aux instruments financiers admis à la négociation sur un marché réglementé ou faisant l’objet d’une demande d’admission à la négociation sur un marché réglementé.
    b) Aux instruments financiers négociés sur un système multilatéral de négociation (MTF), admis à la négociation sur un MTF ou faisant l’objet d’une demande d’admission à la négociation sur un MTF.
  2. c) Aux instruments financiers négociés sur un système organisé de négociation (OTF).
    d) Aux instruments financiers non visés aux points a), b) ou c), dont le cours ou la valeur dépend de la valeur d’un instrument financier visé auxdits points ou qui a un effet sur ce cours ou cette valeur, y compris, sans s’y limiter, aux contrats d’échange sur risque de crédit ou aux contrats financiers pour différences.

Ce dernier point est très important puisqu’il souligne la volonté du régulateur de suivre toute l’activité de trading des banques, même les produits dits nTOTV (Non traded on a Trading Venue), qui rejoint directement les exigences de MIFID II.

La directive s’applique également aux comportements ou aux transactions, y compris les offres, qui se rapportent à la mise aux enchères sur une plate-forme d’enchères agréée en tant que marché réglementé de quotas d’émission ou d’autres produits mis aux enchères qui sont basés sur ces derniers. Les marchés primaires sont donc également concernés par MAD II.

L’article 5 s’applique également :

  1. e) Aux contrats au comptant sur matières premières qui ne sont pas des produits énergétiques de gros, lorsque la transaction, l’ordre ou le comportement a un effet sur le cours ou la valeur d’un instrument financier.
  2. f) Aux types d’instruments financiers, y compris les contrats dérivés ou les instruments dérivés servant au transfert du risque de crédit, pour lesquels la transaction, l’ordre, l’offre ou le comportement a un effet sur le cours ou la valeur d’un contrat au comptant sur matières premières lorsque le cours ou la valeur dépendent du cours ou de la valeur de ces instruments financiers.
    A titre d’exemple, les CDS n’étaient pas couverts sous MAD, et le sont désormais grâce à MAD II.

g) Aux comportements liés aux indices de référence. La directive s’applique à toute transaction, ordre ou comportement concernant tout instrument financier. Ce point précis fait bien évidemment écho au scandale du Libor.

 

Actifs non couverts

Comme explicité précédemment, il existe certains cas où les activités de trading ne seront pas considérées comme des abus de marché.


La directive ne s’applique pas dans les cas suivants :

  1. a) Aux opérations sur actions propres effectuées dans le cadre de programmes de rachat (buyback programs).
    b) A la négociation de titres ou d’instruments associés en vue de la stabilisation de titres.
    c) Aux transactions, ordres ou comportements qui s’inscrivent dans le cadre d’activités poursuivies au titre des politiques monétaires, de change ou de gestion de la dette publique.
    A titre d’exemple, lors de la crise de la dette souveraine en 2010, des organismes supranationaux avaient acheté pour plusieurs milliards de titres grecs, irlandais et portugais afin de faire baisser les taux 5 et 10 ans.
  2. d) Aux activités concernant la politique de l’UE en matière de climat. Les activités au titre de la politique agricole commune et de la politique commune de la pêche de l’UE ne sont donc pas concernées par MAD II.

 

F. DIRECTIVE EUROPÉENNE, IMPACT MONDIAL

Concernant l’extra-territorialité, MAR indique que la seule condition à son application est que l‘instrument financier en question soit admis à la négociation sur une plateforme de négociation européenne, ou que l’instrument financier dépende de la valeur ou d’un instrument financier ainsi admis ou ait une incidence sur cette valeur ou cet instrument financier.
Aucune des parties concernées n’aurait besoin d’avoir un lien avec l’UE. Cela a des conséquences pour toute personne qui négocie des instruments financiers pouvant être négociés en Europe ou qui pourraient affecter la valeur d’un instrument ainsi négocié.

A titre d’exemple, les ADR (American Depositary Receipt) et GDR (Global Depositary Receipt) sont concernés par la directive, réduisant ainsi les manœuvres d’arbitrages frauduleux.

 

CSMAD, à laquelle tous les États membres de l’UE ont adhéré (à l’exception du Royaume-Uni et du Danemark) , exige la pénalisation des cas graves d’opérations d’initiés, de divulgation abusive et de manipulation de marché commises. Toutefois, la CSMAD n’exige pas des États membres de l’UE qu’ils pénalisent un émetteur pour la non-divulgation d’une information privilégiée.
La présente directive prévoyant des règles minimales, les États membres sont libres d’adopter ou de maintenir des règles pénales plus strictes pour les abus de marché.

La règlementation MAD II a donc des répercutions mondiales sur les activités de marché, en particulier sur les méthodes de trading. En revanche, le fait que CSMAD laisse aux Etats la possibilité d’avoir leur propre régime de sanction est une des limites de cette règlementation. En effet, par essence, plus les sanctions sont importantes, moins les acteurs seront tentés de manipuler les marchés.

D’un point de vue marché, les émetteurs UK et US (sujets à la FCA et à la SEC) qui ont choisi d’avoir leurs titres sur des plateformes MTF/OTF auront des contraintes compliance plus conséquentes (comme par exemple la création d’une liste d’insiders pour s’aligner sur les obligations MAR). Cela peut potentiellement représenter un frein puisque, mécaniquement, plus un marché est contraignant moins les acteurs sont tentés d’aller sur ces marchés.

 

G. COMMENT MAD II INTERAGIT AVEC MiFID II?

La directive MAD II est étroitement liée aux réformes plus larges de la refonte de la directive sur les marchés d’instruments financiers (MIFID II).

D’une manière générale, MIFID II actualise et étend la réglementation des services financiers en Europe. MAR fait de multiples références à MIFID II, avec entre autres les exigences concernant le transaction reporting sur lesquels MAR s’appuie. En outre, tous les instruments pris en compte par MIFID II devront être couverts par MAD II. Même si MAD II est entrée en vigueur en 2016 et MIFID II en janvier 2018, l’ESMA a prévu d’actualiser MAD II, afin d’être sûr de couvrir toute l’activité de trading des acteurs financiers.

Dans un monde post MIFID II, les trades OTC (over the counter, donc sans passer par une plateforme règlementée) ne devraient plus exister. Cependant les banques ne s’accordent pas toujours sur la définition des produits, en particulier les dérivés. Par exemple, pour un swap FX, ou sur les forwards, des entités vont considérer qu’il y a deux transactions, d’autres une seule uniquement (donc potentiellement la surveillance de deux instruments au lieu d’un).

La définition du statut d’un instrument, à savoir s’il est TOTV (Traded on Trading Venue) ou non, est également une exigence MIFID II. Mais la définition n’est pas la même selon les banques. MAR exigeant de monitorer toute l’activité des banques, cela représente une difficulté supplémentaire pour les compliance officers qui doivent trouver des solutions pour les produits TOTV mais également nTOTV.

Enfin, sous MIFID 2, le fait d’être SI (systematic internaliser) est considéré comme une contrepartie et non une trading venue. Sous la contrainte de MAR, les compliance officers devront également monitorer cette activité sachant qu’elle n’a pas été réalisée sur un marché régulé.

 

H. TYPOLOGIE DES SANCTIONS

La CSMAD établit des sanctions européennes minimales pour les abus de marché (y compris des amendes et des peines d’emprisonnement), bien que certains pays, comme le Royaume-Uni, aient choisi de ne pas suivre cette directive.

Il est essentiel que le respect des règles en matière d’abus de marché soit renforcé par l’existence de sanctions pénales qui démontrent une forme de désapprobation sociale plus forte que les sanctions administratives. L’établissement d’infractions pénales contre les abus de marché délimite clairement les types de comportement considérés comme particulièrement inacceptables.  Cela envoie aussi un message au public et aux délinquants potentiels : ils savent désormais que les autorités compétentes prennent ces comportements au sérieux.

 

Le non-respect des exigences de MAD II peut entrainer des sanctions sévères :
–  Pour les personnes physiques : jusqu’à 5 millions d’euros

– Pour les personnes morales : jusqu’à 15 millions d’euros, ou 15% du CA annuel consolidé.

Concernant les infractions graves, les coupables sont passibles de peine de prison. C’est par exemple le cas pour les quatre ex-banquiers de Barclays qui ont manipulé le LIBOR, condamnés à des peines de prison allant jusqu’à 6 ans.

 

III. Principaux Impacts pour le secteur bancaire

A. UNE OPPORTUNITÉ POUR LES BANQUES

Comme pour toute nouvelle règlementation, les banques perçoivent MAD II comme une contrainte. En effet, elles doivent débourser des millions d’euros pour adapter leur façon de fonctionner, de trader, sans aucun gain de marché en contrepartie.

En revanche, les acteurs bancaires ont tout intérêt à communiquer sur les efforts consentis pour respecter les différentes réglementations, et MAD II ne fait pas exception. Cette communication peut avoir un double effet positif.

D’abord sur son propre cours : en effet, que le nom d’un établissement bancaire soit cité dans la presse à côté des mots  « manipulation » ou « amende » est un signal très négatif envoyé au marché et est systématiquement sanctionné. Si une banque est sanctionnée, les investisseurs peuvent être amenés à se réfugier sur d’autres valeurs bancaires.

Parallèlement, l’établissement financier bénéficiera d’une confiance accrue des investisseurs, qui seront ainsi susceptibles de faire appel à l’établissement financier pour leurs activités (brokerage, M&A…).

 

B. FORMATION, SENSIBILISATION ET RESPONSABILISATION DES OPÉRATEURS DE MARCHÉ

L’article 4 indique que « les professionnels arrangeant ou exécutant des transactions et les opérateurs de marché sont tenus de dispenser une formation compréhensible et efficace aux équipes impliquées dans le monitoring, la détection et l’identification des ordres ou des transactions qui pourraient constituer un délit d’initié, une manipulation de marché ou une tentative de ces deux derniers ». Cette formation doit être régulière et doit être proportionnelle à la nature et à la taille de l’activité.

Cet article comporte cependant une limite. De manière générale, personne n’aime avoir son travail surveillé, et les traders ne font pas exception. Il y a donc un conflit d’intérêt dans cet article, puisqu’il est indiqué que le trader est censé assurer la formation aux compliance officers.
Même si les équipes compliance sont parfois formées d’anciens traders qui connaissent les rouages des marchés, il peut y avoir un risque que la formation dispensée ne soit pas complète ou tout simplement inexistante, laissant un risque de comportements frauduleux exister.

Outre l’importance d’assurer que les règlementations soient bien respectées, les métiers Compliance ont une pression supplémentaire. En effet, ils seront également tenus pour responsables si jamais des opérateurs de marché du même établissement manipulent le marché et qu’ils n’ont pas été capables d’identifier le comportement frauduleux.

 

 C. NÉCESSITÉ D’ADAPTER LES SYSTÈMES D’INFORMATIONS ET DE SURVEILLANCE

La mise en œuvre du cadre législatif comporte deux volets. Tout d’abord, il s’agit de MAR dont les exigences doivent être pleinement satisfaites par les institutions financières. Deuxièmement, il comprend la mise en place d’un système informatique de surveillance pour la prévention, la détection et la déclaration des commandes et transactions suspectes (STOR : Suspicious Transaction and Order Report).
Dans le règlement d’application, l’ESMA offre des lignes directrices spécifiques pour la mise en œuvre de la directive sur les abus de marché. Néanmoins, la mise en œuvre du cadre impliquant la quasi-totalité des divisions d’une entreprise d’investissement et nécessitant une compréhension globale du fonctionnement de l’ensemble des processus, son implémentation est complexe et difficile.

En outre, l’ESMA « exige la détention d’un logiciel capable de lire, simuler et analyser les carnets d’ordres de façon automatisée, et ce logiciel doit être capable d’opérer dans un environnement de trading algorithmique ».

Ceci implique bien évidemment des moyens considérables. Un système d’information capable de stocker les données de toute l’activité de trading est déjà très exigeant. Stocker des données pour du trading algorithmique exige de les stocker avec un timestamp à la milliseconde, et c’est actuellement l’une des difficultés rencontrées par les équipes Compliance.

Nombre d’acteurs n’ont pas encore suffisamment investi pour être capable de monitorer efficacement ce type de trading et devront rapidement s’adapter afin de répondre aux exigences du régulateur.

Market Abuse Directive

 

Logiciels implémentés chez les acteurs financiers

En plus des solutions développées en interne, les banques font très souvent appel aux éditeurs de logiciels, spécialistes en conformité, sur des sujets aussi bien d’AML que d’Abus de Marché.

Dans un marché plutôt récent, nous retrouvons principalement 2 éditeurs : Actimize (du groupe NICE) qui a 20 ans d’existence et Fircosoft (du groupe RELX) qui a bientôt 30 ans d’existence. Tous les deux proposent de puissantes solutions afin de répondre aux exigences MAD II et ainsi permettre aux établissements financiers de monitorer leur activité de marché.

A titre d’exemple, la solution Actimize MSE 5 propose des modèles de monitoring, capables de générer des alertes pour différents scénarios de manipulation de marché. L’outil complète ceux déjà existants et permet une amélioration continue en ajoutant de nouveaux scénarios, ou en affinant ceux qui existent déjà.

Enfin, l’apparition de RegTech viennent challenger les principaux acteurs de la place. Ainsi, Shield FC propose une solution MAR basée sur les technologies de Big Data et d’Intelligence Artificielle.

 

D. CLEFS POUR RÉUSSIR L’IMPLÉMENTATION DE MAD II

Afin d’assurer le succès de la mise en œuvre de MAD II, les mesures suivantes doivent être prises :

  • Compréhension du business model de l’établissement financier
  • Création d’une matrice de Risques fonction des activités et de leur poids
  • Anticipation de plusieurs scénarios afin de répondre aux exigences de l’ESMA
  • Mise en place d’un système de surveillance informatique pour le suivi des ordres et des transactions
  • Communication et Formation sur MAD II des acteurs au sein de l’établissement financier

Comme explicité auparavant, il est primordial pour les établissements financiers d’adapter les systèmes informatiques et de surveillance. En effet, nombre d’entre eux disposent de contrôles manuels ou semi-automatiques. Sans une automatisation de ces tâches, le niveau de monitoring de l’ESMA ne pourra pas être respecté.

En outre, l’un des défis de ces établissements est de veiller à ce que les exigences MAD I et MIFID I et II soient également appliquées.

Il est donc nécessaire d’avoir une collaboration complète entre les différents départements de l’institution, en particulier les départements Compliance, Juridique, ceux de l’Investment Banking et de Capital Markets.

 

 

IV. Sources

LEXIQUE :

STOR : Suspicious Transaction and Order Report

TOTV : Traded On a Trading Venue
https://www.esma.europa.eu/press-news/esma-news/esma-clarifies-traded-trading-venue-under-mifid-ii

SI : Systematic Internaliser

https://www.emissions-euets.com/systematic-internaliser

MTF : Multilateral Trading Facility
OTF : Organised Trading Facility

 

LIENS UTILES :

Définitions règlement et directive :
https://europa.eu/european-union/eu-law/legal-acts_fr

Sanction du Libor :
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/10/07/pourquoi-des-traders-ont-manipule-le-libor_4784518_4355770.html

Editeurs :
https://accuity.com/fircosoft/
https://fr.niceactimize.com/