La transition LIBOR

Auteur : Philippe Bankue

 

1. Qu’est-ce que le LIBOR ?

Définition

Le LIBOR (London Interbank Offered Rates) est le taux d’intérêt de référence que les banques mondiales utilisent pour emprunter entre elles.

Ce taux qui fait l’objet d’une publication journalière existe principalement pour cinq devises :

  • Dollar US (USD)
  • Euro (€)
  • Livre sterling (GBP)
  • Yen japonais (JPY)
  • Franc suisse (CHF)

 

Et 7 maturités :

  • 1 jour
  • 1 semaine
  • 1 mois
  • 2 mois
  • 3 mois
  • 6 mois
  • 1 année

C’est un taux qui est très important dans l’écosystème financier car il sert de taux de référence mondial pour le calcul des taux d’intérêt pour les prêts à court terme, les obligations, les produits structurés, et certains produits dérivés tels que les futures, les swaps, les options.

 

Fonctionnement

  • Indication chaque jour ouvrable vers 11h du matin par un panel de grandes banques auprès de la British Bankers’ Association (BBA) du taux auquel elles « pensent » pouvoir emprunter un montant «raisonnable» de dollars US les unes aux autres sur le marché interbancaire de Londres. Ce panel est constitué de 8 (minimum) à 16 banques (maximum) et est renouvelé chaque année par la BBA.
  • Thomson Reuters établit pour le compte de la BBA la liste des taux annoncés. Puis :

– Effectue un écrêtage par

    • 1.Suppression de 25% des valeurs les plus basses
    • 2.Suppression de 25% des valeurs les plus élevées

– Calcule la moyenne arithmétique sur les taux restants

– Annonce le taux moyen – qui correspond au taux calculé ci-dessus – auquel les banques « pensent » pouvoir emprunter le dollar pour chacune des échéances. Ceci est le taux LIBOR pour la devise dollar US.

  • Ce principe est ensuite répété pour les autres devises.

Cas de l’EURIBOR

  • L’ Euribor (Euro Interbank Offered Rate) est le taux moyen auquel une sélection de banques de la zone euro de premier plan s’accordent mutuellement des prêts à court terme en euros. La différence fondamentale avec le LIBOR est qu’il est calculé pour une seule devise qui est l’EURO.
  • Le principe de calcul est quasiment le même que celui du LIBOR, à la différence que l’écrêtage s’effectue sur les 15% des valeurs les plus basses et 15% des valeurs les plus élevées.

 

2. Pourquoi remplacer le LIBOR ?

Un « taux » pas vraiment représentatif du marché

En dépit de l’avantage que présente la publication quotidienne du LIBOR,

  • La publication quotidienne des taux LIBOR constitue un dispositif bien plus stable que la publication d’un taux d’intérêt interbancaire international basée sur une seule devise
  • Ce taux reflèterait la bonne ou mauvaise santé financière des institutions financières (une forte augmentation de celui-ci permettrait d’identifier un problème de financement de l’économie réelle)

Ce taux n’est pas vraiment représentatif des transactions effectuées par les banques, mais est plutôt le résultat d’une enquête auprès d’institutions financières dont les réponses sont basées sur la bonne « foi » de celles-ci. Cet état de faits le rend de facto facilement manipulable.

 

Souvent décalé du réel et manipulable

  • Certaines banques du panel se sont entendues –collusion- pour publier des taux LIBOR décalés de la réalité. Celles-ci ont en effet orienté et manipulé indirectement les taux LIBOR en déclarant des taux inférieurs à ceux qu’elles payaient réellement afin de cacher les éventuelles vulnérabilités de la banque.

– Les banques empruntaient ainsi à des taux faibles sans que ne soit pris en compte le risque effectif représenté par elles.

– Pour masquer le risque de liquidité encouru, une banque ayant du mal à se financer était encline à indiquer un taux inférieur à ce qu’elle pensait vraiment avoir à payer.

  • Des condamnations pour collusion et des amendes : Barclay’s, Royal Bank of Scotland, HSBC, Citigroup, RBS, Deutsche Bank et d’autres intermédiaires financiers ont dû régler un total de 8 milliards d’euros d’amendes.

 

Un remplacement inévitable ?

  • Les limites techniques inhérentes à son mode de calcul (calcul basé sur une moyenne dont justement les écarts explosent lors des crises comme ce fut le cas lors de la crise de 2008).
  • Une diminution du volume des transactions sur le marché interbancaire depuis la crise de 2008.

Sur ce graphique, on note bien depuis 2008-2009 une diminution du flux de financements non garantis qui représente le flux d’emprunts interbancaires non garantis.

  • Les scandales liés à la méthode d’évaluation de ces taux :

– Février 2014 : annonce de la Financial Conduct Authority (FCA) -autorité britannique créée en 2012- du transfert de calcul du LIBOR de la BBA à l’ICE Benchmark Administration (IBA) créée la même année.

– Juillet 2017 : annonce de La FCA qu’elle n’obligera plus les banques du panel à contribuer aux calculs du taux interbancaire offert (TIO) après 2021.

– Mars 2021 : annonce de la FCA de la cessation au 31 décembre 2021 de la publication des LIBOR EUR, CHF, JPY et GBP, USD (1 semaine et 2 mois) et 30 juin 2023 pour les autres maturités du LIBOR USD.

 

Et après ?

Définition par les régulateurs de trois grands piliers facilitant la migration vers l’après LIBOR :

  • La conception de taux de référence robustes et presque sans risque (TSR) ou Risk Free Rate (RFR) qui serviront d’option de rechange dans différents scénarios d’abandon du LIBOR.
  • L’amélioration du libellé de rechange pour les nouveaux contrats.
  • La détermination de conventions appropriées sur le traitement des anciens contrats.

=> Sélection des TSR sur la base de transactions sur les marchés du financement à un jour.

 

EONIA : Euro Overnight Index Average

€STER : Euro Shorrt Term Rate

SARON : Swiss Average Rate Overnight

SOFR : Secured Overnight Financing Rate

SONIA : Sterling Overnight Index Average

TONAR : Tokyo Overnight Average Rate

 

Il est à noter que les taux €STER, SONIA et TONAR sont des taux non garantis.

 

3. Impacts de l’abandon du LIBOR

Des impacts dans divers domaines chez les acteurs de marchés :

  • Quantitatif : revue des stress-tests, des calculs de VaR
  • Ajustement des couvertures : des possibles écarts entre la valeur des contrats à terme basés sur le TIO et la valeur de ceux-ci basés sur le TSR
  • Gestion de l’ALM : impact sur l’évaluation des actifs et la gestion de la trésorerie
  • Juridique : revue des contrats basés sur le TIO
  • Opérationnels : revue des process front-to-back, envoi de nouvelles term-sheets aux clients
  • Systèmes d’Information : tous les impacts ci-dessus cités, se répercutent fortement dans le SI des banques

 

Globalement, il y a un chantier considérable d’évolution du SI chez les acteurs de marchés pour prendre en compte tous ces impacts.

 

4. Conclusion

Etat des lieux un an après

Après avoir été longtemps le taux de référence dans le monde de la finance, le LIBOR n’est plus utilisable pour certaines devises depuis le 31 décembre 2021.

Celui-ci a été remplacé par des taux de référence dits sans risque (TSR). Un an après son « remplacement », des enjeux majeurs persistent :

  • Le recensement de l’ensemble des contrats qui étaient adossés à ce taux et qui sont encore valables après 2021
  • Les modalités de calcul des intérêts :

– Disparités par exemple entre les modalités de transition définies par la Loan Market Association (LMA) et l’international Swap Dealer Association (ISDA).

– Confusion entre l’utilisation par le régulateur américain d’un taux SOFR quotidien et la celle des banques et financeurs qui proposent plutôt un Term SOFR qui est un taux préfixé pour le calcul de capitalisation des intérêts.

 

Apport du cabinet

Le cabinet BIA Groupe peut accompagner les différents acteurs de marché impactés par cette mise en place et ce selon le degré de maturité du projet au sein de votre société.