La loi de finances 2018 et son impact sur les contrats d’assurance vie

Auteur : Christelle N’Guessan

 

Introduction

Le projet de loi de finances pour 2018 (PLF 2018) a été présenté en Conseil des ministres le 27 septembre 2017. Le texte a été adopté par le Parlement le 21 décembre, puis est paru au Journal officiel du 31 décembre (loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018).

De nouvelles mesures fiscales sont introduites par les textes financiers publiés fin décembre 2017, dont certaines concernant l’assurance vie sont entrées en vigueur au 1er janvier 2018.

En effet, la loi de finances 2018 a considérablement modifié la fiscalité de l’assurance-vie.

Elle vise à simplifier les modalités de taxation des contribuables français.

Ce document a pour but de présenter tous les changements qui viennent impacter l’assurance vie, un des placements préférés des Français, à savoir :

  • L’augmentation des Prélèvements Sociaux (PS),
  • La mise en place de la Flat Tax ou le Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU),
  • L’Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI).

 

1. La hausse des PS (Prélèvements Sociaux)

Certains revenus de l’épargne comme les produits de l’assurance vie sont soumis aux « contributions sociales sur les revenus du capital« . Il s’agit de prélèvements sociaux, c’est-à-dire de prélèvements obligatoires perçus par l’Etat.

Les produits de l’assurance-vie sont soumis aux prélèvements sociaux, quel que soient la durée et la nature du contrat.

Le paiement à la source des prélèvements sociaux pour tous les produits de placement à revenu fixe, tous les bons / contrats de capitalisation et d’assurance vie a été généralisé en 2007.

 

Composition des PS

Dans le détail, les prélèvements sociaux ou encore les contributions sociales sur les revenus du capital sont composées de différents prélèvements :

  • La CSG (Contribution Sociale Généralisée)
  • La CRDS (Contribution au Remboursement de la Dette Sociale)
  • Les prélèvements additionnels tels :
    • le prélèvement social
    • la contribution additionnelle
    • le prélèvement de solidarité

CSG, CRDS et prélèvements additionnels s’appliquent sur les gains des contrats, y compris ceux exonérés d’impôt.

Depuis le 1er janvier 2018, le taux de ces prélèvements sociaux a subi une augmentation suite à la hausse du taux de la CSG.

La contribution sociale généralisée (CSG) est un impôt prélevé sur les revenus d’activité et les revenus de remplacement en vue de financer la protection sociale.

En effet, considérée comme une cotisation sociale, la CSG fait partie des prélèvements sociaux au même titre que la CRDS (contribution au remboursement de la dette sociale).

Son taux varie en fonction des revenus concernés (salaires, pensions de retraite, allocations chômage, etc.).

Depuis le 1er janvier 2018, le taux de la CSG a été réévalué afin d’augmenter les recettes provenant de cet impôt (Article 7 de la loi de financement de la sécurité sociale LFSS pour 2018).

Cette hausse est fixée à 1,7 point du taux de la contribution et concerne aussi bien les salaires que les pensions de retraite.

Elle porte également sur les revenus du capital (revenus fonciers, plus-values immobilières et mobilières des particuliers, …).

Ainsi, la mesure s’applique :

– aux revenus du patrimoine perçus à compter de l’année 2017, assujettis aux prélèvements sociaux à raison des rôles émis à compter du 1er janvier 2018 ;

– aux revenus de placement générés à compter du 1er janvier 2018, soumis aux prélèvements sociaux.

Les modalités d’application de cette mesure ont été précisées par la loi de finances pour 2018 et la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS 2018). Ces deux textes ont été adoptés et publiés à la fin du mois de décembre 2017.

 

Taux en vigueur des prélèvements sociaux

Depuis le 1er janvier 2018, le taux global des prélèvements sociaux applicables aux revenus du capital est porté de 15,5 % à 17,2 %.

Ce taux global se décompose comme suit :

  • Taux de CSG porté à 9,9 % (au lieu de 8,2 %)
  • Taux de CRDS (contribution pour le remboursement de la dette sociale) : 0,5 %
  • Taux de Prélèvement social : 4,5%
  • Taux de Contribution additionnelle : 0,3%
  • Taux de Prélèvement de solidarité : 2%

Les prélèvements sociaux de 17,2% sont prélevés automatiquement sur les produits de l’assurance vie et contrats de capitalisation.

Ils sont payables uniquement lorsque le contribuable ne choisit pas l’option Flat Tax ou PFU (Prélèvement Forfaitaire Unique).

 

2. La Flat tax ou le PFU (Prélèvement Forfaitaire Unique)

Définition

La Flat Tax que l’on peut traduire par « taxe forfaitaire » ou « impôt à taux unique », est un système d’imposition dans lequel toutes les personnes physiques dont le domicile fiscal se situe en France, sont imposées au même taux.

La Flat Tax est l’appellation communément utilisée pour désigner le prélèvement forfaitaire unique ou PFU.

On parle de Flat Tax parce que cette imposition est uniforme et fixe, quel que soit le niveau de revenus du foyer fiscal.

Ce régime fiscal revient d’une part à simplifier la fiscalité des revenus financiers et d’autre part à l’alléger pour les personnes percevant les plus hauts revenus.

On distingue ainsi la Flat Tax de l’impôt progressif, où le taux d’imposition augmente en fonction des revenus du contribuable.

Avec la Flat Tax, le même taux s’applique à tous. Seul le niveau de revenus fait varier le montant de l’impôt à payer. L’impôt n’est donc pas progressif, mais proportionnel.

 

Principe et fonctionnement

La flat tax est une nouvelle modalité d’imposition des revenus du capital qui a été mise en place par la loi de finances pour 2018 (article 28), votée définitivement le 21 décembre 2017 et publiée le 31 décembre 2017 au Journal Officiel.

Elle remplace l’ancienne fiscalité en vigueur de 2013 à 2017 selon laquelle les revenus du capital étaient taxés comme sur les revenus du travail, au barème de l’impôt sur le revenu (IR).

Ce nouveau dispositif s’applique depuis le 1er janvier 2018 sur tous les revenus de l’épargne : produits d’assurance vie (afférents à de nouveaux versements à compter du 27 septembre 2017), dividendes, plus-values, intérêts (revenus distribués et assimilés, y compris les intérêts des PEL et CEL ouverts à compter du 1er janvier 2018), revenus fonciers, qui auparavant, se voyaient appliquer des régimes fiscaux différents.

La fiscalité de l’épargne est modifiée en profondeur par l’instauration du prélèvement forfaitaire unique (PFU), qui n’est pas un impôt à proprement parler, mais une taxation globale.

En effet, le PFU se compose :

  • d’une taxation forfaitaire à l’impôt sur le revenu au taux de 12,8 % et
  • de prélèvements sociaux au taux cumulé de 17,2 % (incluant la hausse de la CSG de 1,7 point au 1er janvier 2018),

soit une imposition globale de 30 %.

 

3. L’IFI (Impôt sur la Fortune Immobilière)

Définition

Le projet de loi de Finances 2018 prévoit de réformer l’ISF (Impôt de Solidarité sur la Fortune) pour exonérer les valeurs mobilières, et notamment la détention d’actions. Ce projet de loi consiste à conserver l’ISF uniquement pour les fortunes reposant sur la propriété de biens immobiliers.

L’ISF deviendrait ainsi l’IFI (l’impôt sur la Fortune Immobilière).

L’ISF est supprimé et remplacé par l’IFI.

En effet, l’IFI, entré en vigueur au 1er janvier 2018, est un impôt pesant uniquement sur les actifs immobiliers.

Il taxe donc les patrimoines immobiliers supérieurs à 1,3 millions d’euros ; en revanche, la résidence principale bénéficie toujours de l’abattement de 30%. Autrement dit, tout foyer fiscal avec un patrimoine immobilier net (c’est à dire déduction faite des dettes) supérieur à 1,3 millions d’euros y est assujetti.

Son fonctionnement est très proche de l’ISF.

 

Principe et fonctionnement

A l’identique de l’ISF, l’abattement de 30% de la résidence principale, le barème et les taux resteraient inchangés, de même que le mécanisme de plafonnement.

L’immobilier professionnel reste également exclu de l’IFI. Les charges afférentes à l’immobilier taxable sont déductibles à l’exception des prêts in fine dont la prise en compte est étalée dans le temps pour éviter les abus.

Les sociétés à prépondérance immobilière non professionnelles entrent dans la base de cet impôt.

Remplacer l’ISF par l’IFI revient à sortir les placements financiers (assurances vie, livrets d’épargne, portefeuilles de valeurs mobilières, …), l’épargne et les autres valeurs mobilières du patrimoine taxable de l’ISF pour ne conserver que les valeurs immobilières, c’est-à-dire à supprimer 49% de l’assiette de l’ISF.

En d’autres termes, les placements financiers, l’épargne et autres valeurs mobilières seront exonérés tout en continuant à taxer les fortunes immobilières.

Le manque à gagner pour l’Etat s’élèverait à deux milliards d’euros à court terme. L’objectif est de ramener les exilés fiscaux, parmi lesquels les actionnaires minoritaires fortement taxés à l’ISF sont nombreux, et inciter les plus fortunés à investir dans les entreprises françaises.

Les modalités de calcul de l’IFI sont les mêmes que pour l’ISF.

 

4. L’impact de la loi de finances sur l’assurance vie

La loi de finances 2018 stipule que les revenus mobiliers, tels que les intérêts et dividendes, et les plus-values de cession de valeurs mobilières, sont soumis au prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 %.

La Flat Tax modifie la fiscalité de l’assurance-vie, notamment pour l’imposition des rachats et retraits sur les contrats.

Le point de bascule a été fixé au 27 septembre 2017.

En effet, pour les rachats effectués à compter du 1er janvier 2018, les revenus générés par les versements seront en partie soumis au PFU (30%).

Par conséquent les versements antérieurs au 27 septembre 2017 seront soumis à l’ancien régime fiscal. Par contre, pour les produits issus des versements effectués après cette date bénéficieront de la Flat Tax.

 

Les produits de l’assurance vie soumis au PFU

La fiscalité entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2018 impacte directement :

  • les rachats, réalisés après le 27 septembre 2017
  • et les revenus des encours net supérieur à 150 000 €.

En d’autres termes, le prélèvement forfaitaire unique PFU s’applique aux rachats effectués :

  • par un contribuable dont le montant total des contrats d’assurance-vie est supérieur à 150 000 € pour une personne seule et 300 000 € pour un couple (Seuil de déclenchement global sur l’ensemble de l’encours net du foyer fiscal)
  • sur les revenus générés par les versements effectués à compter du 27 septembre 2017.

 

Calcul du seuil de déclenchement des 150 000 € (ou 300 000 € pour un couple)

  • Le seuil de 150 000 € est calculé en prenant en compte l’ensemble des contrats d’assurance vie souscrits chez un même assureur ou auprès de plusieurs assureurs.
  • Il s’appréciera sur l’ensemble des contrats, qui n’ont pas déjà fait l’objet d’un remboursement en capital, au 31 décembre de l’année qui précède le fait générateur d’imposition des produits concernés.

Il correspond à l’encours net, c’est-à-dire aux primes versées sans tenir compte des revenus.

 

Calcul pour les revenus générés par les versements effectués à compter du 27 septembre 2017

Pour les versements effectués à partir du 27 septembre 2017, tout dépend de la durée de détention du contrat, au moment du retrait.

Les gains réalisés sur des contrats d’assurance-vie de moins de 8 ans sont bel et bien soumis au PFU au moment du retrait.

En revanche, les gains réalisés sur les contrats détenus plus de 8 ans profitent d’une exemption partielle. Les abattements annuels sont maintenus : pas d’imposition jusqu’à 4 600 euros de plus-values (9 200 euros pour un couple).

Quand la part de gains dans le retrait dépasse ce seuil, un taux forfaitaire d’impôt sur le revenu de 7,5% s’applique.

 

Calcul de l’impôt sur les contrats de plus de 8 ans

Aucun changement, pour l’encours net inférieurs à 150 000 €, un taux forfaitaire de 7,50% sera appliqué lors d’un retrait (un rachat) sur l’ensemble des gains (compris dans ce rachat), quelle que soit la date des versements.

Pour les autres, il faut tout d’abord distinguer deux compartiments selon que les versements aient été effectués avant ou à partir du 27 septembre 2017 et, dans chacun d’entre eux, les produits ou intérêts générés.

Ensuite, le taux de 12,8% sera appliqué uniquement sur les produits générés par les versements postérieurs au 26 septembre 2017 selon un système de prorata, préservant les gains d’au moins 150 000 € de versement dans le système actuel (au taux de 7,50%).

Plus précisément, c’est la situation au 31 décembre de l’année précédente qui importe. Si, à cette date, l’assuré a versé moins de 150 000 euros (net de retrait) dans le compartiment des versements effectués avant le 27 septembre 2017, il aura droit, pour le montant représentant le complément pour atteindre les 150 000 € de bénéficier du système actuel dans l’autre compartiment, au taux de 7,50%.

A noter concernant la fiscalité des produits sur les rachats après le 1er janvier 2018 que l’abattement au-delà de 8 ans est de :

  • 4 600 € sur les produits / an, pour une personne seule
  • 9 200 € sur les produits / an, pour un couple.

Il s’applique en priorité comme ci-dessous :

  • Aux primes versées avant le 27/09/2017 au-delà de 8 ans ;
  • Aux primes versées à compter du 27/09/2017 imposés à 5 % > 8 ans ;
  • Ensuite, aux produits attachés aux primes versées à compter du 27/09/2017 imposés à 12.8 % > 8 ans.

 

Exemple : Un contribuable célibataire dispose d’un contrat d’assurance-vie de plus de 10 ans. Il y a versé 100 000 € en 2007 et 200 000 € en 2018.

En 2019, il est concerné par la Flat Tax. Il fait un rachat total de son contrat dont la valeur atteint 360 000 €. Les 60 000 € de gains se décomposent en 50 000 € pour le versement de 2007 et 10 000 € pour celui de 2018.

Le prélèvement fiscal sera de 4 552,50 €, soit :

  • 45 400 € (50 000 – 4 600 d’abattement) au taux d’imposition de 7,5% ;
  • Et 10 000 € imposés pour un quart à 7,5%, pour les trois quarts à 12,8%.

Le tableau ci-dessous explique les différentes situations possibles en fonction :

  • Du montant de l’encours net
  • De la durée du contrat
  • De la date de bascule au 27/09/2017

Ce tableau récapitule la loi de finances 2018, lié au changement du taux d’imposition sur les contrats d’assurance vie.

 

Les produits de l’assurance vie non soumis au PFU

Tout d’abord, le système en vigueur avant 2018 est conservé sans aucun changement pour tous les gains issus des versements réalisés avant le 27 septembre 2017. Ils sont sous l’ancien régime fiscal.

Autrement dit :

  • L’ensemble des revenus générés par les versements effectués avant le 27 septembre 2017, ne seront pas soumis au taux de 30%. Et cela :
    • Quel que soit leur montant
    • Quelle que soit la date des rachats ;
  • Les revenus générés par les encours inférieurs à 150 000 €.

 

3. Avantages de la loi de finances 2018 et éléments inchangés

 

Avantages de la loi de finances 2018

Flat Tax et assurance vie

Pour tous les foyers imposables, le PFU sera plus avantageux. Cela paraît évident pour les contribuables dont le taux marginal d’imposition (TMI)est élevé (30%, 41% ou 45%), mais cette règle est aussi valable pour les foyers de la première tranche imposable (TMI de 14%). Comme le montre le tableau ci-dessus, l’imposition au barème, avec les cotisations sociales, grimpe à 30,25% pour les foyers figurant dans cette tranche.

Cette réforme semble favorable aux épargnants fortement fiscalisés.

Les contribuables imposables sur le revenu n’ont aucun avantage à opter pour la soumission de leurs intérêts au barème progressif 2018 de l’impôt sur le revenu.

A contrario, avec un PFU à 30%, seuls les foyers non-imposables auront intérêt à opter pour le barème de l’impôt sur le revenu (IRPP).

Il est toujours possible d’opter pour le barème progressif pour les épargnants non imposables sur le revenu. Mais attention, cette option sera applicable pour l’ensemble des produits des placements (hors assurance-vie).

Il n’y a pas de panachage possible

IFI et l’assurance vie

La valeur de rachat d’un contrat d’assurance vie ou de capitalisation n’est plus à prendre en compte dans les déclarations ISF du fait de la suppression ISF ; ISF étant remplacé par IFI.

En remplaçant l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) par un impôt sur la fortune immobilière (IFI), le législateur a accordé aux épargnants concernés un véritable avantage.

L’assurance vie n’est ainsi plus taxée au titre de l’impôt sur la fortune.

Toutefois, les unités de compte investies en actifs immobiliers sont taxées à l’IFI pour leur valeur de rachat.

 

Les éléments inchangés avec la loi de finances 2018

  • Dans le cas d’un rachat les contribuables peuvent opter pour l’imposition au barème progressif si cela est plus avantageux pour eux. Le barème progressif peut s’appliquer sous leurs demandes.
  • Le cas des décès : la fiscalité en cas de décès ne change pas. Les avantages de l’assurance vie en matière de transmission de capital et d’opérations de prévoyance, sont maintenus,
  • La neutralité fiscale liée à l’arbitrage n’est pas impactée (arbitrage : changement de supports d’investissements UC ou euros/UC).
Conclusion

Cette mesure phare du projet de loi de finances pour 2018 alourdit la fiscalité sur les plus-values réalisées lors des rachats d’assurance vie ouvertes il y a 8 ans, puisque jusqu’à présent elles n’étaient taxées qu’à 23 %.

Pour les personnes possédant un contrat depuis moins longtemps, en revanche, la réforme est positive, car auparavant, la taxation applicable lorsque le détenteur du contrat décidait de récupérer l’argent placé sur son assurance vie, était – prélèvements sociaux compris – de 50,5 % pour les contrats de moins de quatre ans et de 30,5 % pour ceux qui ont entre quatre et huit ans.

Pour mémoire, la nouvelle taxation vise les gains réalisés par les détenteurs de plus de 150 000 € d’encours nets, tous contrats d’assurance vie confondus, pour une personne seule et 300 000 euros pour un couple, et ce, quelle que soit la durée de détention du contrat.

Références