ELTIF 2.0 – Version 2024

 

ELTIF 2.0 – Version 2024

 

 

Bilan 2023 : 2,4 Mds € investis depuis 10 ans

 

Dans la foulée de la Directive AIFM (FIA et régimes EuVCA / EuSEF) qui a permis à ces fonds d’obtenir un passeport européen, la Commission européenne avait voté un premier règlement ELTIF (Fonds Européens d’Investissement à Long Terme) en 2015. Son objectif était de promouvoir la croissance et financer l’économie « réelle » européenne, par le développement de véhicules de placement à long terme, paneuropéens, investis dans des entreprises et des infrastructures.

Ces fonds, servant un revenu régulier dans la durée, étaient orientés vers les investisseurs professionnels et institutionnels, et pour les investisseurs particuliers voulant épargner sur du long terme (pour leur retraite par exemple).

Au bilan, début des « années 20 », seulement 2,4 Mds € ont été investis dans un petit nombre d’ELTIF, lancés par quelques dizaines de gestionnaires européens.

Le marché est très concentré géographiquement – plus de 60% sont domiciliés au Luxembourg, et 20% en France – ces fonds étant distribués en Italie, Espagne, Allemagne et France principalement. Il est également peu diversifié car investi principalement en private equity, puis dans une moindre mesure en infrastructure et en immobilier.

Les objectifs premiers ne sont donc pas atteints…

Dans ce contexte, la Commission européenne a réaffirmé son objectif de développer l’économie réelle et souhaite favoriser la levée de capitaux pour financer les entreprises et les projets longs termes structurant ses territoires.

 

Les besoins en investissement restent importants, y compris hors UE …

 

Suivant son programme de redressement de l’économie postpandémie, la Commission européenne a lancé le fonds d’aide Generation EU, mais également l’initiative Global Gateway en faveur de projets d’infrastructure en dehors de l’Union européenne.

De même elle ouvre, avec cette version, l’investissement des ELTIF aux pays tiers, dont les projets impactent positivement le développement des régions frontalières mais également la coopération avec l’Europe. Par exemple, les projets d’énergie durable, qui mettent en œuvre des infrastructures de production dans des pays tiers ou d’acheminement vers l’Europe.

Concernant l’infrastructure, les différentes évaluations publiées depuis 10 ans par la BEI ou l’OCDE s’accordent sur une tendance globale, incluant l’Europe : les besoins en financement d’infrastructures sont largement supérieurs aux investissements engagés. Et cette tendance s’accroit si l’on intègre les besoins nécessaires à la transition énergétique. Il y a donc un large marché d’investissements en infrastructure non encore exploité …

 

… et augmentent avec la transition écologique

 

La Commission européenne a intégré les infrastructures durables à son programme septennal InvestEU, et compte sur les fonds à long terme pour développer l’investissement durable, puisqu’ils concernent par nature, les infrastructures sociales, de transport et d’énergie.

En France, le loi Industrie Verte de juillet 2023 a élargi, comme annoncé, les contrats d’assurance vie en UC, PER et PEA aux ELTIF (sous conditions).

Pour remplir pleinement son rôle de financeur de l’économie, y compris dans un contexte de promotion du « pacte vert », le principal enjeu de la nouvelle version en vigueur, applicable au 10 octobre 2024, reste donc la croissance de son marché…

 

Les solutions 2024 : ouvrir l’investissement au plus grand nombre

 

Favoriser la levée de capitaux pour le financement à long terme signifie de développer à la fois l’offre de fonds long terme et en augmenter fortement la collecte. Le premier levier utilisé par la Commission européenne est d’ouvrir ce marché à un plus grand nombre d’investisseurs et en conséquence, de le promouvoir auprès des particuliers.

Dans ce but, ELTIF 2.0 intègre clairement l’ensemble des exigences de transparence et dispositifs existant pour la protection et l’information des particuliers, en termes de documentation et de résultats (prospectus, kiid, performances), d’adéquation de l’investissement au profil client telle que prévue par la MIF et de divulgation des frais.

Il s’agit là de rendre ces fonds plus attractifs, en développant les connaissances sur ces produits complexes et en favorisant la confiance de ces investisseurs.

 

Améliorer la liquidité

 

Premier enjeu pour rendre attractifs ces véhicules à long terme aux particuliers, et pouvoir proposer des possibilités de rachats et de remboursements en cours de vie.

Pour y répondre, la nouvelle réglementation permet à la société de gestion d’adapter sa stratégie d’investissement et d’augmenter la part « cessible » du fonds. Et cela en ouvrant le périmètre des actifs éligibles et en augmentant les poids autorisés.

Les fonds long terme peuvent maintenant être investis en toutes infrastructures de communication, sociales, éducatives et sanitaires, en immobilier, droits d’eau, forestiers, miniers, en actifs titrisés, ainsi que dans des entreprises innovantes ou côtés (sous conditions), et des obligations vertes. Les seuils limites ont été simplifiés et ne sont plus applicables en période de levée de fonds ou de liquidation.

 

 

Le second levier utilisé est l’amélioration du fonctionnement du second marché, en intégrant un processus d’appariement pour gérer les souscriptions / rachats des investisseurs en cours de vie du fonds. Processus clairement affiché dans les documents constitutifs du fonds, avec les rôles, périodes, règles de prix …

 

Pour quels rendements réels ?

 

Ces produits sont présentés comme assurant sur le long terme un rendement conséquent et plus stable que le marché actions par exemple.

En 2015, l’historique des placements privés appuyait ce discours : les placements privés, incluant l’infrastructure, présentaient alors des rendements de 12% à 15% depuis les années 1990s, alors que le rendement moyen des actions était inférieur à 9%.

 

 

Selon les différentes études publiées par les cabinets généralistes ces derniers mois sur ce périmètre, et au regard des performances qui sont affichées par les gérants, on note que ces rendements sont variables d’une année sur l’autre, alternant les surperformances et les performances négatives.

De plus, le marché professionnel, plus développé, souffre depuis 2013 de son succès : la pénurie des offres proposées par les gestionnaires a entrainé, sur le marché de l’infrastructure notamment, une baisse des rendements.

Cependant, les scénarios des acteurs spécialisés continuent d’afficher des niveaux attractifs sur le long terme, avec des rendements de 2 à 6% pour la dette, au-delà de 5% pour l’infrastructure. Et des rendements encore supérieurs, selon les stratégies d’investissement, sur le private equity, qui continue de surperformer les marchés cotés sur le long terme.

 

Quels éléments entravent encore ce marché ?

 

Côté investisseur, au contraire de nos voisins comme l’Allemagne, la France et l’Espagne fonctionnent beaucoup sur des véhicules intégrant des incitations fiscales sous la forme d’exonération de taxes sur les plus-values sous conditions (FCPR …). Selon l’EFAMA, l’absence de ces avantages, y compris dans cette nouvelle version, expliquent en partie l’échec des ELTIF.

En ce qui concerne l’effet attendu sur la liquidité, les gestionnaires attendaient des solutions plus précises pour assurer la liquidité des parts en cours de vie et souhaitaient une plus grande ouverture sur les actifs UCITS et titrisés. L’aspect illiquide des ELTIF restera encore un frein pour la clientèle des particuliers.

De plus la gestion active de ces fonds suppose que la société de gestion intègre des expertises spécifiques, issues des structures CIB de financements complexes.

A cela s’ajoute la difficulté de suivre les ratios en transparence pour les parts de fonds détenus, exigence nouvelle apparue depuis les réglementations « vertes ».

Enfin, distribuer ces nouveaux fonds auprès des investisseurs particuliers nécessite un investissement organisationnel et pédagogique important pour communiquer sur des instruments complexes et sur lesquels l’historique de performance est limité.

 

Pourquoi ce marché peut décoller ?

 

Les arguments à destination des investisseurs non professionnels restent les mêmes. Doper son portefeuille en accédant notamment à des marchés privés avec des niveaux de rémunération attractifs, peu accessibles via les marchés cotés.

Diversifier son portefeuille et en diminuer ainsi les risques encourus, en particulier lorsque les marchés traditionnels sont malmenés.

De plus, les revenus d’infrastructure et de l’immobilier progressent globalement avec l’inflation alors que leurs coûts sont principalement adossés à des dettes à taux fixes, ce qui les rend attractifs en période de reprise de celle-ci.

Pour les sociétés de gestion, l’élargissement des actifs investis et la simplification des seuils, ainsi que la possibilité d’étoffer et d’adapter leur offre via la création de fonds nourriciers devraient être un moteur de développement … sur un large marché d’investissements encore sous-exploité.

On peut également envisager, selon la communication qui sera menée à destination des particuliers, le développement de la demande, tout comme pour l’investissement ESG. D’autant que l’investissement en ELTIF est maintenant possible au travers de l’assurance vie qui est le support préféré des Français.

Et à terme, comme préconisé dans le rapport d’Enrico Letta sur l’avenir du marché unique de l’UE (avril 2024), une incitation fiscale adaptée par chaque Etat pour ces fonds long terme, pourra être proposée dans un nouveau programme européen.

 

Les besoins en investissement restent importants, y compris hors UE …

 

Suivant son programme de redressement de l’économie postpandémie, la Commission européenne a lancé le fonds d’aide Generation EU, mais également l’initiative Global Gateway en faveur de projets d’infrastructure en dehors de l’Union européenne.

De même elle ouvre, avec cette version, l’investissement des ELTIF aux pays tiers, dont les projets impactent positivement le développement des régions frontalières mais également la coopération avec l’Europe. Par exemple, les projets d’énergie durable, qui mettent en œuvre des infrastructures de production dans des pays tiers ou d’acheminement vers l’Europe.

Concernant l’infrastructure, les différentes évaluations publiées depuis 10 ans par la BEI ou l’OCDE s’accordent sur une tendance globale, incluant l’Europe : les besoins en financement d’infrastructures sont largement supérieurs aux investissements engagés. Et cette tendance s’accroit si l’on intègre les besoins nécessaires à la transition énergétique. Il y a donc un large marché d’investissements en infrastructure non encore exploité …

 

Dans l’attente…

 

Beaucoup d’incertitudes politiques, économiques et conjoncturelles en ce milieu d’année 2024. Malgré quelques projets annoncés, en private equity et immobilier, le marché reste en suspens, à l’image du marché immobilier en baisse significative depuis 2023. Pour les particuliers, seulement 2 fonds grand public français sont toujours en cours de vie.

Placer ces fonds auprès des particuliers reste un processus complexe pour les réseaux, de caractère peu liquide et suivant un calendrier de levée de capitaux contraignant et nécessitant de gérer la disponibilité de son épargne sur un an voire plus. A cela s’ajoute les processus de gestion et de valorisation, dont, pour ce dernier, l’AMF en a fait un axe d’amélioration, en particulier pour les actifs dits « réels ».

A moyen terme cependant, à l’image des Etats se reposant de manière structurelle sur le financement privé, l’intérêt pour le financement des infrastructures devrait également croitre et assurer un relais au projet aujourd’hui relevant du seul budget de l’état. Un placement également plus adapté à la gestion privée …

 

 

Auteure : Sylvie CHAMPION, Directrice
sylvie.champion@kantorpartners.com

 

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